Les probabilités des jets de l’Anneau Unique

J’ai profité des soldes de Free League pour m’acheter l’Anneau Unique (en anglais donc) de Francesco Nepitello et Marco Maggi et j’ai eu un gros coup de cœur pour ce jeu. La direction artistique entre autre me plaît beaucoup, les illustrations couleur de Martin Grip comme les dessins au crayon. J’adore aussi l’ambiance qui se dégage du jeu et la manière dont la mécanique originale semble accompagner et renforcer ladite ambiance. Le rythme du jeu, découpé en voyages, rencontres, conseils, explorations et repos donne vraiment l’impression de pouvoir vivre des aventures dans les terres du milieu comme si elles avaient été écrites par Tolkien.

Lobelia Sanglebuc (dessin de Alvaro Tapia) a 2 en persuasion avec un SR de 12. Quelles sont ses chances de convaincre Frodo de lui vendre Cul-de-Sac ? (58 %)

Je n’ai pas encore beaucoup joué, mais la plus grosse interrogation que j’ai sur ce jeu concerne le système de dés. Ce dernier, assez complexe, ne me permet pas de déterminer facilement quelles sont mes chances de réussite. En conséquence, j’ai eu du mal à faire des choix pour les caractéristiques et  une certaine méfiance sur la capacité du jeu à me plaire entièrement. En général, j’aime bien qu’un système de dés me donne des bonnes chances de réussites avec un personnage débutant et s’il peut servir aussi à appuyer les spécificités du jeu, cela me convient encore plus.

Est-ce que c’est le cas du système de l’Anneau Unique ?

Le système de dés

Les dés spéciaux (et chers) pour jouer au jeu. (On peut se débrouiller avec des dés normaux et moins chers)

Je décris ici les principes des lancés de dés, si vous les connaissez déjà, vous pouvez passer à la section suivante.

Le principe de base est que l’on lance un dé de destin, un d12 numéroté de 1 à 10 avec la rune de Gandalf et l’œil de Sauron sur deux autres faces. La rune de Gandalf est un succès automatique, l’œil de Sauron vaut 0, sauf si on a la condition mélancolique (miserable en anglais), dans ce cas c’est un échec automatique.

En l’absence d’échec ou de succès automatique, on additionne le résultat chiffré du dé de destin avec un nombre de d6 correspondant à la valeur de la compétence (de 0 à 6 auquel on peut ajouter jusqu’à deux dés de bonus dans certaines circonstances). Et cette somme doit dépasser un seuil de réussite (SR). Le seuil de réussite oscille entre 10 et un peu plus de 20.

Une autre condition peut affecter ce résultat, c’est d’être épuisé (weary en anglais). Dans ce cas, on ne compte pas le résultat des dés qui ont obtenu un 1 ou un 2 ou un 3.

Dernière chose, le jet peut être favorisé ou défavorisé. Dans ce cas, on jette un deuxième dé de destin et on garde le meilleur si le jet est favorisé, le pire s’il est défavorisé.

Voilà, ça fait beaucoup de conditions pour déterminer quelles sont nos chances de réussite. C’est pour cela que, comme pour le YZE, j’ai écrit un lanceur de dé en ligne de commande qui fait des simulations : un lancé est réalisé 4 millions de fois, les proportions des différents résultats obtenus peuvent permettre de tirer les chances que l’on a d’obtenir tel ou tel résultat, sans faire de calculs trop compliqués (pour moi).

Le programme my_one_ring

Principes

Le programme calcule chaque résultat d’un lancé, sauf si la réussite ou l’échec sont automatiques. Lorsque l’option simulation est activée, le programme fait 4 millions de jets de dés. Le calcul des résultats est fait, on incrémente un compteur dans un tableau dont les index représentent les résultats possibles, de 0 (un jet donnant un œil de Sauron sans dés de compétences) à 58 (le résultat le plus élevé que l’on peut obtenir, quand on a 10 sur le dé du destin et 6 sur les 8 dés de succès que l’on peut lancer au maximum). Il y a aussi un compteur pour les réussites ou les échecs automatiques. La somme de tous ces compteurs donne bien 4 millions.

 On peut ainsi additionner toutes les chances de réussite supérieures à un SR en y ajoutant la chance de réussite d’avoir une réussite automatique pour obtenir la chance que l’on a de réussir son jet.

Si la somme maximum possible que votre poule peut faire est inférieure à votre SR, votre seule chance de réussir sera d’obtenir un succès automatique.

Installation et utilisation

Les dés existent aussi en noir, au même prix (cher).

Il faut la chaîne d’outil Rust pour installer my_one_ring. Ce projet était aussi pour moi l’occasion d’apprendre à utiliser Rust. Ce qui signifie que le code n’est pas génial. Il n’est pas encore documenté à ce propos, ni testé. J’envisage de le faire pour continuer d’apprendre sur ce language. Cela dit, on peut déjà l’utiliser. Vous avez les détails de l’installation et des exemples d’utilisation sur son dépôt github.

On peut vérifier que ça marche avec les probabilités simples à calculer. Par exemple, à chaque jet de dés normal, vous aurez toujours une chance sur douze (1/12 = 0.0833) d’avoir un succès automatique.

$ my_one_ring --success-dice 2 --simulation |grep ^Automatic
Automatic successes: 8.3345 %

La simulation arrive à un résultat proche. C’est rassurant. Maintenant si le jet est défavorisé, la seule chance d’avoir une réussite automatique est d’obtenir une double rune de Gandalf, soit une seule possibilité sur 12² = 144 (1/144 = 0.00694).

On arrive encore à un résultat proche. Notez que les résultats des simulations seront toujours légèrement différents les uns des autres, mais ils devraient être proches de la véritable probabilité de réussir.

$ my_one_ring --success-dice 2 --ill-favoured --simulation |grep ^Automatic
Automatic successes: 0.693425 %

Alors que dire des probabilités de l’Anneau Unique ?

Quelles sont vos chances ?

Les jets de compétences

Commençons par la situation où vous êtes bon à quelque chose. En créant votre personnage, vous pourrez facilement être favorisé dans une compétence ayant une valeur de 3.

$ my_one_ring --success-dice 3 --favoured --simulation
Automatic successes: 15.96475 %
Successes:
0: 57.88175 %
1: 34.71255 %
2: 6.943525 %
3: 0.462175 %
Cumulative results (automatic successes already counted in):
23: 23.65905 %
22: 28.309275 %
21: 34.2744 %
20: 41.345025 %
19: 49.257325 %
18: 57.55455 %
17: 65.72725 %
16: 73.303575 %
15: 80.000525 %
14: 85.658475 %
13: 90.1598 %
12: 93.574975 %
11: 96.0354 %

Je réalise que ma sortie n’est pas super claire. L’entrée Cumulative results liste en fait vos chances de réussites selon un SR. Par exemple ici, avec un SR de 23 vous avez 23,65905 % de chance de réussir votre jet. Les Successes listés plus haut sont les succès supplémentaires obtenus avec des d6. Je ne parlerai pas de ces succès dans ce billet.

Les seuils de réussite sont en général près de 14 ou 15 pour un personnage débutant. Cela veut dire que dans ce cas là, vous avez respectivement 85 % ou 80 % de chance de vous en sortir ! Ce sont de très bonnes chances de départ, bien meilleures qu’à beaucoup d’autres jeux. On ne peut pas réduire ces seuils de réussite dans la progression d’un personnage, seulement augmenter les compétences. Est-ce que, sur une compétence non favorisée, l’expérience vous donne de bons résultats ?

Au bout d’une petite dizaine d’heures de séances, vous aurez de bonnes chances d’avoir une ou deux compétences qui arrivent à 4.

$ my_one_ring --success-dice 4 --simulation
Automatic successes: 8.33575 %
Successes:
0: 48.20635 %
1: 38.6092 %
2: 11.56605 %
3: 1.540975 %
4: 0.077425 %
Cumulative results (automatic successes already counted in):
23: 29.901525 %
22: 36.21435 %
21: 43.1344 %
20: 50.421825 %
19: 57.88885 %
18: 65.1757 %
17: 72.116425 %
16: 78.406525 %
15: 83.925 %
14: 88.584325 %
13: 92.274425 %
12: 95.0668 %
11: 97.05445 %

Oui, clairement, avec 4d6, vous n’aurez pas de chance en ratant un jet. Même avec un SR de 18 vous aurez 65 % de chance de réussir. Un des SR les plus communs, 15 vous donne 84 % de chances de réussir ! Cela dit, la mélancolie ou l’épuisement peuvent réduire vos chances. La mélancolie, c’est l’état que vous avez lorsque vos points d’ombre dépassent votre espoir. Les points d’ombre s’obtiennent lorsque l’on se confronte aux forces des ténèbres ou lorsque l’on s’abaisse soi-même à des pratiques méprisables.

Restons sur le jet avec 4 dés de succès :

$ my_one_ring --success-dice 4 --miserable --simulation
Automatic successes: 8.3485 %
Automatic failures: 8.30845 %
Successes:
0: 48.200675 %
1: 38.5881 %
2: 11.584125 %
3: 1.550275 %
4: 0.076825 %
Cumulative results (automatic successes already counted in):
23: 29.90875 %
22: 36.13795 %
21: 42.9294 %
20: 50.027625 %
19: 57.099425 %
18: 63.880475 %
17: 70.1119 %
16: 75.611075 %
15: 80.246 %
14: 83.951325 %
13: 86.768175 %
12: 88.756 %
11: 90.08085 %

C’est intéressant de voir que la mélancolie a un effet limité sur vos chances de rater, l’effet de cette condition sera surtout psychologique sur le joueur. On perd quelques points, mais on garde des chances très élevées. Un SR de 15 passe par exemple de 84 % de chances de réussite à 80 %. De manière amusante, plus le SR est bas, plus vous perdez de points par rapport à un jet normal. Ou vu autrement : plus vous êtes fort, plus la mélancolie a d’effet.

Voyons les effets de la fatigue.

$ my_one_ring --success-dice 4 --weary --simulation
Automatic successes: 8.323425 %
Successes:
0: 48.22805 %
1: 38.582525 %
2: 11.559275 %
3: 1.552625 %
4: 0.077525 %
Cumulative results (automatic successes already counted in):
23: 18.747025 %
22: 21.665175 %
21: 25.19955 %
20: 29.69575 %
19: 34.770425 %
18: 40.066275 %
17: 45.232075 %
16: 50.83325 %
15: 56.678775 %
14: 62.6628 %
13: 68.1858 %
12: 73.4592 %
11: 78.308825 %

Ha oui, la fatigue, ça fait beaucoup plus mal. Le SR de 15 passe de 84 % de chance de réussite à 57 %. On se rapproche d’une chance sur deux, qui est un score un peu faible.

On peut cumuler les deux effets. Pensez à Sam et Frodo au milieu du Mordor. Ils étaient mélancoliques et épuisés. Quelles étaient leurs chances alors ?

$ my_one_ring --success-dice 4 --miserable --weary --simulation
Automatic successes: 8.335825 %
Automatic failures: 8.33775 %
Successes:
0: 48.21395 %
1: 38.5717 %
2: 11.590225 %
3: 1.54615 %
4: 0.077975 %
Cumulative results (automatic successes already counted in):
23: 18.72765 %
22: 21.593425 %
21: 25.025875 %
20: 29.383325 %
19: 34.343875 %
18: 39.5295 %
17: 44.43095 %
16: 49.552425 %
15: 54.836125 %
14: 60.35085 %
13: 65.63515 %
12: 70.4757 %
11: 74.646575 %

L’effet cumulé est raisonnable. On passe à 55 % de chance de réussir pour un SR de 15, on ne perd que deux points. Mais si je jet est en plus défavorisé ?

$ my_one_ring --success-dice 4 --miserable --weary --ill-favoured --simulation
Automatic successes: 0.7004 %
Automatic failures: 15.977325 %
Successes:
0: 48.262175 %
1: 38.558125 %
2: 11.565725 %
3: 1.537675 %
4: 0.0763 %
Cumulative results (automatic successes already counted in):
23: 7.154275 %
22: 9.442 %
21: 12.175175 %
20: 15.49855 %
19: 19.542825 %
18: 24.2121 %
17: 29.251775 %
16: 34.382725 %
15: 39.50695 %
14: 44.811075 %
13: 50.58065 %
12: 56.453875 %
11: 61.77595 %

Pfiuu. Ça pique, le SR de 15 passe à 40 %. Soit une capacité proche d’un personnage débutant à Warhammer v1. Sans surprise, la mélancolie s’envole avec un jet défavorisé.

Les scores de 5 ou de 6 ont des niveaux de chance qui s’approchent de la réussite automatique à la plupart des SR. Cela dit, le prix à payer en termes de points d’expérience ou d’aventure est très élevé.

$ my_one_ring --success-dice 6 --simulation
Automatic successes: 8.34135 %
Successes:
0: 33.479 %
1: 40.1738 %
2: 20.119475 %
3: 5.361025 %
4: 0.803 %
5: 0.061525 %
6: 0.002175 %
Cumulative results (automatic successes already counted in):
23: 76.3336 %
22: 81.53475 %
21: 86.038975 %
20: 89.815225 %
19: 92.84855 %
18: 95.1763 %
17: 96.8934 %
16: 98.094625 %
15: 98.894475 %
14: 99.398025 %
13: 99.6954 %
12: 99.8587 %
11: 99.9417 %

Et le combat ?

La boîte de base n’est pas très orientée combat.

Le combat a cela de légèrement différent que les SR sont facilement plus élevés (parce qu’on ajoute le bonus de parade de l’adversaire) et qu’on n’a pas la possibilité d’avoir des jets favorisés. Par exemple, les charmants petits Hobbits bien polis de la boîte de base peuvent être confrontés à des créatures pour lesquels ils pourront avoir à dépasser des SR de 16 dans le meilleur cas, 18 dans le pire pour pouvoir les toucher, avec seulement 2 dés dans la compétences d’arme la plus haute !

$ my_one_ring --success-dice 2 --simulation |grep -E '16:|17:|18:'
18: 16.419825 %
17: 21.27535 %
16: 27.289275 %

Ha oui… Là on est sur des seuils de réussite inférieurs à ceux d’un personnage débutant de Warhammer v1. Un combat contre un troll avec des hobbits peut s’avérer… Au mieux long. Ces merveilleuses petites créatures auront intérêt à utiliser la ruse pour s’en tirer. Ou alors, il faut dépenser un point d’espoir et faire en sorte qu’un camarade utilise son action pour faire un jet d’inspiration qui ajoute un dé… Et on arrive à 4 dés qui ont, comme on l’a vu plus haut, une bien meilleure chance de réussir.

La morale de cette histoire, est que si vous voulez vous battre, sans forcément privilégier un SR très bas pour votre score en force, cela vaut le coup de mettre 3 points dans la compétence de combat que vous souhaitez. Parce que votre SR sera proche des Hobbits de la boîte de base et vous augmenterez sensiblement vos chances de toucher sans avoir besoin de dépenser tous vos points d’espoir.

$ my_one_ring --success-dice 3 --simulation |grep -E '16:|17:|18:'
18: 38.929425 %
17: 46.454 %
16: 54.231425 %

C’est ce que vous pourrez faire de mieux, un personnage débutant est limité à 3 pour une compétence de combat de départ. Mais, comme vu plus haut, un score à 4 sera possible dès une petite dizaine de séances et là vos chances seront bien meilleures.

En conclusion

Le livre de base de l’Anneau Unique.

Voici les chiffres dont j’avais besoin pour savoir à quel point j’aime le système de l’Anneau Unique. Et bien je l’adore, parce qu’un personnage débutant saura être très bon dans certains domaines qu’il aura choisi et aura de bonnes chances de faire briller son personnage grâce à ça. L’expérience lui permettra assez rapidement de briller encore plus dans les compétences qu’il aura choisi.

Je crois que j’aime vraiment beaucoup la mécanique de combat du jeu et du système de blessure. Il nécessite cependant de bien se coordonner à petit niveau et de dépenser ses points d’espoir pour avoir des meilleures chances de réussir.

Sur le papier, dans l’ensemble, c’est un système qui me plaît énormément, peut-être autant que le YZE. Le système pousse à vivre des aventures où la fatigue et le poids de l’ombre, comme dans les aventures de Tolkien, affectent vos personnages. On peut les traîner le long de toute une aventure. Il faudra plus qu’un « repos long » pour tout effacer. Et c’est ça je crois que j’aime beaucoup. Dans le même temps, cela n’entrave pas complètement les personnages et ils auront toujours de bonnes chances de réussir leurs actions.

J’ai commencé à faire jouer la boîte de base et c’est très amusant. L’ambiance y est plus légère que dans le jeu complet. On n’y subit pas le poids de l’ombre par exemple. J’ai maintenant très envie de lancer une campagne à l’Anneau Unique, c’est sans doute ce que je ferai quand j’aurais terminé le Châtiment du corbeau, à un moment en 2024 j’espère.

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